Compulsion de répétition (2/3)
Ou pourquoi nous faisons toujours le mauvais choix
Le mécanisme psychique qui opère derrière tout ça est le suivant. Un enfant nait dans une famille, il a une mère et un père. Comme l’enfant en tant que nourrisson est dépendant de l’adulte qui prend soin de lui, il est en quelque sorte biologiquement programmé pour « aimer » ses parents. Ce mécanisme complexe assure sa survie pendant la période où il est encore trop petit pour ne compter que sur lui-même. Le bébé grandit, et, un beau jour, il se rend compte du comportement bizarre, anormal, de l’adulte à son égard. Ou l’adulte rentre complètement ivre le soir, ou l’enfant est ou témoin ou récepteur des humiliations, des injures, des coups, des attouchements. Ou, l’adulte n’est tout simplement jamais là ; c’est la maltraitance de l’abandon.
Pour résumer, l’enfant, quand il a atteint un peu près l’âge de la compréhension, se trouve témoin d’un comportement de la part de l’adulte qu’il a du mal à expliquer. Et là, il a deux choix. Le premier choix qui se présente à l’enfant est : « ce comportement est inexplicable, injuste, donc : cet adulte est fou. » Le deuxième choix est la pensée qui dit : « cet adulte me fait du mal ; c’est justifié puisque c’est de ma faute. » Quasiment tous les enfants choisissent la deuxième option. Pourquoi ?
Tout d’abord, il faut expliquer que quand nous parlons d’un âge bas, disons entre deux et sept ans, il est difficile de parler d’un « choix » ; l’enfant « choisi » tout simplement la solution la plus économique possible, c’est-à-dire qui lui cause le moins de peine psychique.
Donc, la première option « l’adulte en face de moi est déséquilibré, fou » n’est pas accepté par la psyché infantile. Ceci pour la simple raison que l’enfant est dépendant de cet adulte « fou ». La ligne de pensée peut être la suivante : « Maman, ou papa, ou tante X, ou Monsieur Y, réagissent de manière instable, sans aucune considération pour moi. Donc, le monde est un monde de fous, les « grands » ne sont pas stables, je ne peux compter sur eux, ni sur personne d’ailleurs, le monde dans lequel je vis est un monde sans loi, sans fondation, je suis complétement seul et je ne peux compter sur personne ni sur rien. » Cette pensée est tout simplement trop affolante pour un enfant. Comme l’enfant est, je ne peux pas le répéter assez, dépendant de l’adulte, il a besoin de croire que l’adulte réagit d’une manière cohérente, juste, sinon il y a risque d’effondrement.
Mais comment est-ce que l’adulte peut être juste ? Sauf si… sauf si, et c’est ici qu’advient la pensée qui sauve l’appareil psychique immature et fragile de l’enfant: « C’est de ma faute. C’est moi qui suis mauvais, et je mérite ce qui m’arrive. » Alors le plus souvent l’enfant s’efforce d'être le meilleur enfant possible ; le plus sage et le plus obéissant possible. Entièrement rentré dans lui-même, l’enfant idéal que nous voyons mais n’entendons pas. « Si j’aide plus dans la maison, il (l’adulte) sera plus gentil, si j’apporte que des bonnes nouvelles, j’éviterais peut-être les coups… » Et caetera. Avec cette acrobatie de pensée, l’enfant à l’impression qu’il peut contrôler la situation, qu’il a le contrôle sur ce qui lui arrive, sur son sort. Et c’est beaucoup, beaucoup mieux que la première option, où il ne contrôle absolument rien et est à la merci d’un adulte…fou.
(la fin dans un billet à suivre)